La Gazette du STEVE N° 8

Par Laurent LHERMITTE. Mai 1999

 

Ouf ! Quel stress, le passage du canal de panama fut impressionnant. Mais, ça y est, voilà le Steve dans le pacifique. Je suis mouillé à quelques mètres après le pont des Amériques la mer est aussi plate qu’un lac, et il n’y a pas de vent. Je vais avoir beaucoup de temps pour vous raconter tous ça, la traversé du pacifique risque d’être très longue. Et puis c’est déjà les vacances pour les élèves de la classe de CM1 Pour le moment voilà le récit de l’avant panama :

Le petit mot de Julie.

Je m’appelle Julie, j’ai 10 ans. Je voyage depuis un an avec mes parents et ma sœur sur Panther Blue, un voilier de 13 mètres et je retourne à l’île de la Réunion où est ma maison. Nous avons rejoint la France en avion. Papa avait acheté et préparé le bateau à port Grimaud dans le sud de la France. De là, nous avons voyagé vers l’Espagne où nous avons rencontré Steve, le bateau de Laurent. C’était en septembre. Nous avons continué de voguer quelque temps sur la côte d’Espagne. Puis le vent nous a amenés au Maroc. C’est un très beau pays. Nous nous sommes amarré à Tanger. J’ai vu des palais et des fontaines de mosaïques. C’était splendide. Il y avait des souks remplis de trésors marocains. Et nous sommes arrivée de l’autre côté de l’atlantique et avons découvert les îles merveilleuses aux eaux turquoises et émeraudes remplies de poissons de toutes les couleurs. Nous avons retrouvé Laurent en Colombie à Cartagène et nous sommes allés aux îles San Blas de Panama. Nous avons pique-niqué sur la plage d’une île déserte remplie de cocotiers et nous avons mangé le poisson et la langouste grillés sur un feu de bois. Nous sommes allés dans un village d’indiens où il n’y avait que les femmes et les enfants. Ils ont pris ma petite sœur Elisa pour une indienne et elles lui ont offert des broderies qui s’appellent des Molas des bananes et des avocats.

Nous allons bientôt arriver à Panama et nous irons dans le Pacifique où nous allons chercher le trésor du pirate Morgan enterré sur l’île Coco.

‘Panamélo’ – ‘nadé’ : Molas.

Ce dimanche, le 23 mai 99 nous partons avec la petite famille de Panther Blue visiter le village indien sur cays hollandes l’une des 365 îles des San Blas. Le village est au bord de la mer, lorsque nous débarquons une toute petite grand-mère, avec sa fille et son enfant nous reçoivent. Nous sommes tous dans nos petits souliers, la différence de civilisation semble énorme et écrasante. Les enfants vont eux sans complexe vers d’autres enfants et dès les premiers sourires l’atmosphère se détend et tourne immédiatement au commercial, c’est vraiment regrettable. Depuis deux ans les bateaux s’arrêtent de plus en plus dans ces îles paradisiaques, amenant leurs dollars. Les touristes ont transformé l’échange, le troc en business. En cinq minutes, 3 ou 4 femmes ont étalé leurs Molas sous le carbet de la place principale. Les molas sont des tissus découpés en formes originales, superposés et cousus entièrement à la main pour donner l’aspect d’une tapisserie. C’est un travail long et méticuleux, pour à l’origine faire des vêtements avec des morceaux d’étoffes. On en achète quelques-uns et après avoir fermement mis un terme à la vente avec une distribution de chocolat et médicaments, on visite un peu le village. La petite taille des indiens est frappante, Julie à 10 ans est plus grande que la grand-mère. Les petits mollets et avants bras des femmes sont recouverts de bracelets de perles, juxtaposé les uns aux autres pour donner au total des motifs typiques. Avec des gestes et quelques mots d’espagnols on comprend que c’est un signe extérieur de richesse. Tout comme le gros anneau d’or qui perce la cloison nasale des femmes. Nous ne croisons pas d’hommes, ils sont apparemment à la pêche. Dans les petites huttes le repas chauffe déjà sur le feu a même le sol. La fumée chasse les moustiques et yinyins (minuscule moucherons qui piquent). Tout est très propre, le sol en terre battue est souvent balayé, les Indiens cultivent sur les îles éparses, entre autre : la coco, les bananes, les avocats… et même des fleurs. Dans le village des poules et canards se promènent et dans un petit enclos un cochon est élevé. Personne ici ne meure de faim, tous semblent en très bonne santé. Une femme parle espagnol, on apprend le minimum de mots par exemple bonjour et au revoir se dit : ‘Panamélo’ et ‘nadé’. Elle a apprit l’espagnol au Panama mais nous explique que les enfants vont à l’école sur une île voisine. Ces indiens ont l’air d’être bien organisés. Plus tard le chef du village passera avec sa pirogue et son moteur Yamaha tout neuf pour échanger 5 dollars contre un reçu tamponné de clearance. En voulant offrir une boisson, on s’aperçoit qu’ils ne veulent pas de bière. C’est très bien car, en Guyane par exemple, l’alcool ingéré sans demi-mesure par les Indiens est devenu une drogue qui les détruit car elle ne fait pas partie de leur culture. Il y aurait un beau travail d’éthnologie à faire dans ces îles, plus au sud, elles sont j’en suis sûr, pratiquement pas visitées. Il faudrait vivre avec eux pendant des mois, cette perspective me plairait bien…

Le STEVE.

Le bateau a l’heure actuelle est remplis de nourriture. Il paraît que dans le pacifique tout est plus cher, j’ai donc comblé tous les petits vides par des réserves de produits longue durée ; riz, pâtes, farine pour les cakes et le pain, sachets en tout genre, boites de conserves, vins etc…faut encore réparer le génois léger, mettre les tubes sur les haubans afin d’éviter qu’ils ne découpent la GV en naviguant au portant. Je suis bien contant d’avoir trouvé ici les ampoules adaptées aux lampes du bateau, il y a tout ce qu’il faut à Panama. Bref encore quelques jours de préparation et se sera le grand saut vers le pacifique. Ah ! Depuis que j’ai changé les bougies le moteur de l’annexe démarre enfin au quart de tour, super !

Un peu de Vécu...

Higuerote – Puerto La Cruz.

Me revoilà comme il y a une quinzaine de jours tout seul avec pour occupation mes petits problèmes de réparation du frigo 12 Volt. Une fois encore cela me permet d’apprécier l’aide des gens. Le technicien de l’aérodrome m’emmène voir un français installé ici pour faire du parachutisme. Sympa on téléphone, on va à droite et gauche pendant deux jours pour finalement rien trouver petit espoir à Puerto La Cruz. Je refais ce trajet juste pour une histoire de papier de sortie. C’est assez dur de revenir vers l’Est je dois jouer avec les vents thermiques de la côte. Je rage contre toutes ces formalités qu’il faut faire à l’entrée et à la sortie des pays et qui coûte beaucoup d’argent, c’est du vol ! Je voudrai être citoyen de la terre…Bref, arrivé à la marina Vespasio, je rencontre des gens, je parle de mon problème de Frigo : - vas voir Michel en face, il est frigoriste …me conseille-t-on. Et le bon monsieur est formel, impossible de trouver la pièce ici. Voilà du temps de gagné. Je rencontre un couple de sexagénaire sur le bateau Pégase, se sont des amis de Daniel et Francine avec qui j'avais sympathisé aux Testigos. Le soir du départ, on prend l’apéro sur le bateau de Gille et Audrey, un couple de jeunes très sympathique. Lui est un créateur, il était à l’origine de la radio pirate carbone 14, on refait le monde et parlons des gens, des relations humaines de la vie de couple, bref de tas de chose, puis dans la nuit nous quittons le port ensemble et passons au moteur les îles qui entourent Puerto La Cruz côte à côte, c’est cool ! Nous naviguons à vu jusqu’au matin puis nos chemins se séparent ; Je pars pour les Aves. Je voudrais être vers le 15 ou 16 à Cartagène, aussi je n’ai pas le temps de passer encore une petite soirée à refaire le monde, qui d’ailleurs ne changera pas pour autant…

 

Puerto La Cruz – Las Avès – Curaçao.

Après une navigation assez tranquille, je rentre dans le lagon de Las Avès de Barlovento en me fiant à la couleur de l’eau. Je profite du décor, bricole en peu, fait le ménage et en fin d’après midi je me décide à traverser la bande de terre pour voir si, sur le tombant du coté du large, il n’y aurait pas quelques langoustes. Pour être franc, cette fois je rentre bredouille. En revanche, je flippais un peu, car il se faisait tard. Alors que je regardais dans les trous à une dizaine de mètres, j’ai entendu comme une détonation. Je venais de croiser un barracuda, et lorsqu’un gros poisson donne un violant coup de queue cela fait à peu près ce bruit. Là, s’il s’agit de cela la bête doit être bien grosse. En un éclair tous les poissons du récif avaient disparus sauf un gros mérou qui lui est sorti juste devant moi. Un instant on se regarde, autant surprit l’un que l’autre, puis il disparaît lorsque je commençais à l’imaginer dans mon assiette ! Tant pis, pour le dîné je me contenterai d’un petit perroquet. La nuit tombe lorsque j’arrive au bateau. Si je n’avais pas été seul, je serai bien resté dans ce petit coin de paradis. Il n’y a aucun autre bateau au mouillage, les plages de sable blanc sont bordées par la mangrove où les oiseaux de mer se nichent, puis surtout on vient de découvrir toute la flotte de l’amiral d’Estrées échouée dans la nuit du 10 au 11 mai 1678, au vent de l’île. Je suis étonné de ne voir personne fouiller d’ailleurs. Je serai bien allé faire une petite plongée bouteille. L’armada forte de 18 navires et 3200 hommes faisait route pour attaquer les Hollandais sur Curaçao. Elle s’est échouée là à cause d’une erreur de cap de quelques degrés sinon le secrétaire à la marine de Louis quatorze, Colbert, aurait eu tous les honneurs de ramener Curaçao à la France. De nos jours avec le GPS cela ne pourrait plus arriver…Euh, sauf aux américains p’être ! J’ai vaguement entendu parler de quelques problèmes de positionnement pour leurs bombes… Quelle stupidité les guerres, enfin bref, mon problème à moi est de sortir du lagon. De nuit c’est impossible, la lune se lève vers 2, 3 heures je mets dons mon réveil. J’avais pris des relèvements, mais le sondeur me donne quand même quelques sueurs froides.

Le lundi 10 mai 1999, vers 17h j’arrive sous le vent de Curaçao, content d’avoir réalisé un petit challenge ; faire des œufs au lait tout en naviguant. Bon ils sont un peu ratés car au moment ou je versais le sucre une malencontreuse vague m’a fais renverser le paquet dedans…. Ils ont cuit avec le cake, à feu très doux mais sûrement un peu trop longtemps le lait a fait plein d’eau…enfin le gâteau lui est superbe. Tout cela pour dire que parfois la mer est si calme qu’on se croirait au mouillage. D’ailleurs le vent tombe, je vais devoir mettre le moteur pour ne pas arriver de nuit. Et c’est raté ! Je mouille de nuit vers 20h. Pour rentrer dans Spanish Water j’ai encore eu quelques frayeurs un chenal long de 3 milles, étroit comme une rivière donne accès à cette immense lagune. J’y allais à tâtons car bien entendu tout cela est parsemé de haut fonds. Le lendemain une grosse journée m’attendait ; courir dans la ville de Willemstad pour trouver un frigo, faire des courses, voir le mail… et tacher de partir avant la nuit. Encore raté ! Le bus qui me ramenait s’est fait attendre ! Un sondeur sur la quille pour viser vers l’avant m’aurait été bien utile, lorsque faisant demi-tour le sondeur affiche 1m50 je suis fou. En plus il y a du vent et du courant, c’est pas le moment de se planter. Je longue une rive pour être sur de savoir vers où trouver de l’eau. Vers 21h le Steve trouve enfin le large, ouf !

Curaçao – Cartagène.

Il est 9h nous sommes jeudi 13 mai, ce matin je suis en forme car j’ai bien dormi…. Je suis de l’autre côté de la péninsule de Guajira et il n’y a plus de cargo. La mer n’est plus du tout formée, c’est très agréable. Je suis resté 24h sans dormir, un cargo débouchait du golf du Venezuela toutes les 10 minutes. C’était vraiment dur. Le samedi 15 vers 2h du matin un cauchemar me tire une fois de plus de mon sommeil ; l’étrave du Steve se dirigeait droit sur un caillou ! Vite je sors. Mon petit cœur tape dans ma poitrine. Rien devant ouf ! Je redresse le cap, règle un peu les voiles et reprendre mon petit rythme de somnolences d’une demi-heure, tout va bien cette navigation en solitaire tire à sa fin. A 5h j’empanne, cap sur Bocca Grande, je me demande bien comment va être cette ville. A 11h Je mouille à Cartagène, à coté d’un petit port où il y a d’autres voiliers, environ 420 milles parcourus en 3 jours et demi. A l’entrée j’ai encore eu chaud, en faite, il fallait passer par Bocca Chica plus au sud, je n’avais pas les I.N. (Instruction Nautique) mais uniquement la carte de détail. Il y avait bien de marquer la présence d’un mur obstruant Boca grande mais je ne comprenais pas pourquoi. Quand méfiant je m’avançais j’ai vu les bouées rouges et vertes indiquant le passage, je me suis dit : c’est tout bon ! Et bien en fait s’était limite, il n’y avait que 2m d’eau dans la passe. J’apprit la raison plus tard ; En 1700 et des poussières un empilement des rochers a été fait pour empêcher les assaillants de déboucher directement dans Cartagène. Après une bonne sieste je pars explorer la ville, et sur le quai je rencontre la petite famille de Panther Blue, Gérard, Isabelle Julie et Elisa, quelle surprise. La ville est superbe, les gens sympa, il y a quand même des quartiers bidon ville caractéristique de l’Amérique du Sud. Très vite je prends mes marques, Taxi, Email, magasins, monnaie n’ont plus de secret pour moi. Tout est près pour recevoir mon oncle Robert et ma tante Mireille. Une fois les formalités faites nous partons pour les San Blas.

 

Cartagène – Les San Blas.

Soirée du samedi 22. Je m’apprête à aller dormir, demain sera sûrement une grande journée découverte. Nous sommes arrivés à la tombé de la nuit dans l’archipel de ‘Cays Hollandes’ l’un des nombreux groupes d’îles des San Blas. Mireille a la barre, moi au GPS et à la carte, l’entrée c’est faite sans aucun problème. La navigation depuis Cartagène a été très lente, le peu de vent nous a souvent obligé à faire du moteur. Ce matin après avoir nagé avec les dauphins, j’ai même caréné un peu le bateau pour gagner en vitesse. J’ai observé les dauphins pendant une demi-heure, c’était vraiment superbe. D’abord tiré lentement par un bout, lorsque je faisais un tour sur moi-même un dauphin en a fait autant, trop drôle ! Un orage menaçait, le vent tomba totalement du coup, j’ai affalé toutes les voiles et le bateau arrêté, accroché par un bout d’une vingtaine de mètres je replonge dans le grand bleu avec les dauphins. Arrivé en bout de corde, un groupe d’une dizaine d’individu me regardait peureusement en émettant d’un seul coup un bruit comme des petits claquements de bec. Je ne pouvais rester bien longtemps et comme moi par des allers retour à la surface ils allaient chercher de l’air. Vu d’en bas la surface devint étincelante, il pleuvait. Les éclaires ne semblaient aucunement les effrayer. Le corps vertical, la tête incliné, ils me regardaient, l’air de dire : " mais qu’est ce que c’est que ce drôle de poisson la ? ". C’était vraiment un bon moment, mais là il se fait tard et je dois me coucher.

Le lendemain nous rentrons dans un lagon et mouillons au coté de Panther Blue. On décide de joué les Robinson Crusoé sur une des îles. Jusqu'à présent les îles du Venezuela étaient plutôt arides et sans cocotiers, ici le moindre îlot en est recouvert. On boit l’eau contenue dans les noix encore vertes. En une heure avec Gérard on remonte le poisson et les langoustes, les autres on préparé le feu et le campement, la table est constituer de feuilles de bananiers, les cocos fendues en deux feront les assiettes Isabelle a fait une belle salade et un bon punch. Le riz est cuit, les plantains (banane légume) sont cuitent dans la braise. C’est un festin ! Les jours passent on s’occupe à réparer le moteur hors bord, à pêcher dans le récif où on croise de superbes requins, c’est vraiment la belle vie. Puis Le mardi 25 après une petite pêche pour le repas du midi, de retour au bateau je vide les poissons et Robert décide de mettre la tête d’un poisson solda (petit poisson rouge qui vie dans les trous des roches et dont la chère est meilleure que du rouget) au bout de la ligne de traîne. En fin d’après midi nous allions partir pour faire une balade sur une île lorsque je vois la canne légèrement inclinée et le fil tendu. Tiens ! Bizarre, le bateau a tourné nous avons sûrement accroché un truc au fond… je remonte, cela a l’air d’être assez lourd sûrement un tronc d’arbre. Et non ! Je vois apparaître un superbe requin d'environ 1m60…que faire ? allez il y en a beaucoup par ici, je le remonte et nous allons goûter pour la première fois du requin. Ça n’a pas tellement de goût, les Indiens n’en mangent pas d’ailleurs, les Chinois font des soupes avec les ailerons car en cuisant ceux-ci deviennent gélatineux. Une dernière plongée bouteille m’a permis de voir une belle raie et un énorme poisson (environ 1m50 une loche peut être). On lève l’ancre pour sortir du lagon et des ‘cays’ avant la nuit et se diriger vers Colon.

San Blas – Colon.

La navigation est très tranquille. L’alizé nous pousse gentiment. Pour vraiment ne prendre aucun risque j’ai bien arrondi et suis passer loin des cotes. Je fais une bonne nuit puisqu’on se relaye à l’extérieur pour les quarts. Je me souviendrai toujours de l’arrivée sous pilote aux premières bouées de Colon ; Robert à la vigie, Mireille en train de colorier une feuille pour faire le drapeau panaméen, et moi en cuisine occupé à faire des crêpes ! J’ai raté pleins de truc dans ma vie mais la pâte à crêpe jamais, entre autre cela me rappel ma jeunesse…. Arrivé au mouillage nous retrouvons Panther Blue, Gérard m’explique rapidement le circuit des formalités, apparemment tout semble assez facile pour le passage du canal mythique. Le soir, Isabelle qui est Réunionnaise nous cuisine un rougail de requin ; C’est excellent !

Coup de gueule…

Ah ! Il est beau le monde ! Oui je le dis pour faire rêver les enfants petits ou grands, mais ici j’ai envie d’arrêter cette hypocrisie. Notre civilisation est ignoble et injuste, les droits de l’homme sont une douce utopie ; je laisse le soin à Me BLANK de me censurer auprès de ses jeunes enfants, ils voient sûrement déjà suffisamment d’horreur à la télévision. La misère, tout comme la bêtise des hommes me révolte, me donne envie de crier mon dégoût et me coupe l’appétit. Colon est un immense bidon ville, en tant que blanc, j’ai bien senti qu’il valait mieux rester sur les voies principales je n’ai pourtant pas peur, mais ici c’est vraiment grave. Il n’y a pas un tas d’ordure qui ne soit étalé avec les sacs éventrés, et ce ne sont pas les chiens, il n’y en a pas, mais des hommes qui le font pour manger. Vu leur maigreur ils ne doivent pas trouver grand chose. Pourtant des tas d’ordures il y en a un peu partout. Sur les balcons des petits immeubles délabrer les gens vivent dans des baraquements, certains n’ont pas cette chance et leur cabane sont construites dans la boue d’un coin de terre ou sous un escalier. Parfois sur le trottoir il faut enjamber un moribond qui par trop d’alcool, vomi le peu de tripes qui lui reste. Ça pue ! Ici est-ce que les enfants vont à l’école ? Oui, on en croise en uniforme mais d’autre travaillent, au super marché genre casino ils s’organisent pour vous mettre les courses dans les sachets plastiques en échange de quelques centimes. D’autres vendent dans la rue des fruits, légumes ou billets de loterie. L’espoir fait vivre et cela semble encore mieux marcher qu’une croyance en un bon dieu. De l’espoir, il n’y en a plus dans les yeux de déterré des filles qui se vendent pour quelques dollars. Les gros friqués, les marins, les paumés viennent dans ces bars se soulager. C’est sordide. De l’argent, il y en a, de l’autre coté d’un grillage surmonté d’un barbelé ; c’est l’Amérique ! Un cargo paye 50 000 dollars et il en passe une vingtaine par jour. Enfin les Américains commencent à rentrer chez eux, les villas sont abandonnées, à part quelques-unes une sous lesquelles est garé le dernier modèle de chez Mercèdes. Un soir en rentrant de la ville avec François, on a même vu une Porche dans un garage du yacht club. Ainsi va le monde, mais je ne pense pas que se soit le meilleur, comme dit Nanard dans sa chanson, " il fait beau dans la misère ". Voilà ce qu’on peut voir en se promenant en Amérique du Sud et le visage du jeune brésilien, qui attendait à la porte du restaurant, dans l’espoir qu’on lui apporte nos restes de nourriture, restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je sais bien que je n’y changerai rien, mais gueuler un bon coup cela soulage. Et ces quelques lignes ne sont que le centième des ignominies que j’ai pu voir. Je vous souhaite à tous de bonnes vacances loin de la misère du tiers monde.

L'apostrophe du Lorenzo.

Pendant le passage des écluses du canal avec le bateau de François, j’ai lu "le roman de Coluche" par F. TENAILLE. Super, c’était vraiment un sacré bonhomme ce Monsieur Colucci... Le soir je lis "Harricana" un roman de Bernard Clavel. Mon envie d’aller dans le grand nord ne me quitte pas mais c’est un projet qui demande beaucoup de préparation. Donc pour le moment je fais juste qu’en rêver...Et puis j’aimerai y aller à deux...