La gazette du STEVE N° 3

Par Laurent LHERMITTE. Décembre 1998

Extraordinaire, merveilleux …ca y est ! Finie la traversée de l’Atlantique. Le seul avantage d’être grand est de pouvoir réaliser ses rêves d’enfants. Je ne sais quel mot utiliser pour décrire toutes les émotions du voyage et de l’arrivée. Le père Noël m’attendait en Guyane ! Les enfants de la classe de CM1 de Plailly, m’ont gâté avec des superbes dessins, et plein de questions auxquelles je vais répondre dans ce journal. Un gros merci à tous ceux qui nous ont écrit ; après l’isolement c’est très agréable de voir que les gens ne vous oublient pas. Pour tous vous rassurer, Steve, mon frère Michel et moi, nous allons très bien.

Le Steve.

En réponse à Marie, le vrai nom est Sté-vé, car Jean Pierre a deux enfants Stéphane et Véronique. Mais par habitude, et aussi parce que nous rencontrons pas mal d’anglais on prononce Steeve comme le prénom anglo-saxon. Aujourd’hui, 2 janvier 1999 il est ancré dans le Mahury un gros fleuve de Guyane. Plus exactement à Stoupan. Avec le moteur, tout doucement car il y a des bancs de sable, nous avons remonté le cour d’eau. De chaque coté s’étend la forêt équatoriale. Je parlerai de la Guyane, une fabuleuse terre d’aventure, dans le prochain numéro. Alors Jérôme heureusement, pour les jours sans vent, le Steve a bien un moteur de 35 chevaux et environ 60 Kg. C’est un moteur de tracteur Volvo adapter pour les bateaux il est très content d’être en ce moment refroidi par de l’eau douce. L’eau de mer en effet dépose du sel autour des chemises et il faut parfois tout démonter pour nettoyer. Le second moteur est celui de l’annexe. C’est un hors-bord de 6 CV. Nicolas, il y a toute une centrale électronique sur le Steve pour indiquer au barreur la vitesse du vent et du bateau, la profondeur (le sondeur) et pour diriger le bateau pendant que je dors il y a 2 pilotes automatiques. Le petit d’ailleurs est en panne, je vais devoir faire de l’électronique... Pendant la traversée, Steve a foncé. Pour Maxime et Maïté, la vitesse maximum par rapport à l’eau a été de 10,9 Nœuds. En plus de ça il faut ajouter 1 à 2 nœuds de courant. La vitesse moyenne est de 6 nœuds dans une mer et des vents favorables.

Un peu de vécu...

Les Canaries – Le Cap Vert.

Galères à Los Cristianos !


Michel transporte le bout-dehors.

C’est une ville balnéaire au sud de Ténérife, avec un port abri. Une immense digue accueille les ferries, et protège des vents du sud Ouest. Quelques quais sont là pour les bateaux de pêche, mais les plaisanciers restent au mouillage. Je n’ai eu que des soucis, une cascade de malchance ! Le lundi 23 novembre, avec mon frère nous avons fait l’avitaillement. Le bateau est presque près ; il reste à faire le plein d’eau. J’avais repéré un robinet sur le quai à coté de la darse mais lorsque j’arrive avec le Steve il y a un bateau de pêche amarré au quai. Je rentre donc dans la darse. La marée est basse nous voilà entourés de trois murs en béton de 3 ou 4 mètres de haut. ( Une darse sert, en fait, à lever les bateaux avec une grue et des sangles) Je lance les amarres que j’avais préparées. Malheureusement au bout de quelques minutes une grande houle se lève, secouant le Steve. Vite il faut partir de là, le bateau fait de grandes embardées. Le temps de mettre le contact et de faire machine arrière, c’est trop tard ! Le bateau vient de buter contre le fond de la darse. Aï AÏ AÏ cela lui fissure le bout dehors ! Obligé de réparer ici. Abîmer le bout du nez de ma maison, même si se n’est qu’une égratignure, me rend triste. C’est ainsi, le voyage et ce mode de vie que j’ai choisi ne sont pas qu’une partie de plaisir, il y a aussi des moments pleins de désespoir. Et ce n’est pas fini. De retour au mouillage, nous démontons le tube d’aluminium pour le faire ressouder. Au chantier du port, cela n’est pas possible. Roberto, genre aventurier bricoleur et bedonnant resté scotché là depuis quelques années, nous indique une entreprise, paraît-il réputée, à Vallée San Lorenzo. " Tu arrives dans la ville, y a qu’a demander c’est connu " me dit-il. Super, nous voilà partis avec notre tube sur l’épaule, d’un coup de bus nous voilà dans la ville où on ne trouve que des quincailleries ou des marchants de véranda. Mais personne ne soude l’alu ici ! Mon espagnol a beau être passable (Il est indispensable de bien apprendre les langues pour voyager…) un artisan nous indique une autre ville à 6 km ou éventuellement…Personne ne nous prend en stop. Sur la route, sous le soleil, avec notre fardeau et l’échec dans notre recherche, nous sommes fatigués le moral est très bas. Le chauffeur, bien que cela soit interdit, arrête son bus sur le coté. Nous redescendons à Los Cristianos. Le seul avantage d’avoir des ennuis est de rencontrer des gens sympa ; C’est très agréable. Mais ça continu. Avec la marée et la houle, l’échelle de quai a crevé un boudin : L’annexe est retournée le moteur dans l’eau. Les rames, la nourrice flottent aux alentours. Pendant la remontée à 3 m de haut sur le quai le dernier boudin se crève. Et allez faut réparer. Sans annexe nous faisons du bateau stop ! Le lendemain on colle les rustines, croyant rentrer peinard le soir à la rame (l’allumage du moteur ne fonctionne pas). Nous voilà encore dégoûtés : Pas moyen de retrouver un bouchon. Faut encore faire du stop… ou nager. Finalement Nicolas un jeune qui travail pour Roberto, nous explique : La société s’appelle Hiro san lorenzo elle se trouve à 20kms. Après pratiquement une semaine, tout est réparé on quitte ce Las Végas espagnol. Que c’est bon de naviguer ! D’autant que nous retrouvons, en allant à Goméra, les globicéphales noirs. (Ok Cloé, j’ai fait des photos sous l’eau et vous les envoie dès le développement.)

Canaries Cap Vert

La traversée

Nous partons de San Sébastian, petit port de Goméra, comme Christophe Colomb le fit le 6 septembre 1492. Ça commence fort, entre les îles les vents du NE accélèrent ( effet Venturi ). La première journée nous parcourons plus de 150 milles et pour la première fois une déferlante mouille le barreur. Puis le rythme des traversées s’installe, la navigation est de plus en plus tranquille. Nous avons même 2 jours sans vent. Le moteur propulse le Steve. On pêche, attend le vent et observe les daurades coryphènes qui viennent à 1m derrière le bateau. Ces poissons ont des couleurs magnifiques. Pour Eleonore, les thons que j’ai pêchés sont de belles bêtes ! D’une une taille qui varie entre 30cm (bonites) et un mètre (thon blanc) ce sont des poissons magnifiques, par leurs reflets bleutés et leurs formes hydrodynamique, par exemple ils ont sur le long du corps des logements pour encastrer leurs nageoires pectorales. Ainsi, une fois pliées elles n’offrent aucune résistance à l’avancement. Ils peuvent nager très vite et mordent souvent alors que le bateau file à 7 nœuds. En vu de Sal un banc de dauphins nous entoure puis le cliquet du moulinet se met à siffler. Vu la courbure de la canne c’est un gros. Vite je lofe, enroule le génois et Michel affale la GV. Le poisson plonge. Il est très gros les 2/3 du fil sont partis. Je me bas pendant 15 minutes puis plus rien, la ligne a du encore casser. Je la remonte. Il ne reste que la tête ! Notre thon a été mangé par un requin. Déçu nous arrivons au mouillage sans poisson frais. Depuis ce jour, Michel à du mal à se faire tirer derrière le bateau.

Sal

Sal est une île volcanique, désertique il n’y a pas d’eau. La Palmeira où nous mouillons, est un petit village. L’eau est fournie le matin uniquement par un dessalinisateur. L’île est relativement plate. Il y a 2 petits cratères aux formes parfaites, haut de 600m. Le vent d’Est, l’harmattan, souffle donc même sur le mouillage à l’Ouest de l’île. Il recouvre le Steve de poussière du Sahara, en une semaine il devient ocre. Nous sympathisons avec des gens du mouillage. Le soir de notre arrivée Césaria Evora chante à Espargos Un taxi brousse nous y emmène tous. Je me croirais en Afrique ici ; il y a de la misère, les enfants vont pieds nus, habillés de haillons. Cela fait 6 ans qu’il n’a pas plu, mais il n’y a pas trop de famine. Nous faisons quelques excursions. La clique de français organise un barbecue sur la plage. On se régale. Sur le fond d’un fût de 200 litres, nous faisons cuire 2 thons blancs aromatisés d’herbes, de citron et gingembre, et accompagnés dans la braise de pommes de terre et bananes à cuire. Des jeunes gens qui guident, en quelque sort, le groupe de français, mangent avec nous ; les enfants aussi, bien sûr. Ils sont très beaux, joueurs et rieurs ; il y a une super ambiance autour de ce grand feu. L’après midi se passe à discuter et échanger. Une femme a fait d’excellents beignets de poissons. Elle nous invite le lendemain pour manger un gâteau. La générosité des gens qui n’ont déjà pas grand chose est sans égale. Cela m’a toujours excessivement touché. Lors de précédents voyages en Afrique, j’avais traversé des pays ou les gens souffrent de la faim mais je n’avais qu’un petit sac à dos et ayant parfois également faim je me sentais solidaire. Arriver dans un pays pauvre en voilier me gêne énormément, mais ici cela c’est très bien passé. Les deux derniers jours sur la plage on jouait avec les jeunes. J’ai sorti ma planche à voile : on s’est éclaté !!!

Santiago

Plus vert, il y a des cocotiers ; nous mouillons face à une plage paradisiaque. Tarrafal est une ville où le tourisme commence à se développer, cela semble plus riche que la Palmeira. Un matin nous partons, avec un petit casse-croûte, une coco à boire et une gourde, en taxi brousse jusqu'à Porto Formoso sur la côte Ouest. On remonte pendant 5 ou 6 heures dans une vallée. Le paysage est joli, il y a des petits villages. Dans cette région les gens distillent de façon très rudimentaire la canne à sucre pour faire du rhum. Ils me font goûter : C’est de l’alcool fort et toxique. On se perd un peu pour arriver sur la crête de l’île. Il y a plein de petits sentiers. Heureusement nous rencontrons un jeune qui parle bien le Français, il venait de rendre visite à sa famille dans la montagne. Nous faisons donc connaissance puis il nous guide jusqu’en haut, sympa. Nous garderons du Cap Vert le souvenir d’un accueil très chaleureux.

Nos réserves de vivres des Canaries commencent à diminuer sérieusement. Ici sur un petit marché nous trouvons un peu de frais. On se régale avec un morceau de viande de bœuf. Dans une gargote nous mangeons la katchouppa, espèce de potage aux haricots secs, excellent car cela remplit bien l’estomac.

Fogo (feu)

Ce n’est qu’un volcan surgit au milieu de l’eau jusqu'à une hauteur de 2829 mètres. Il est tout jeune, la dernière éruption date de 1995. Malgré le risque, au pied du cratère dans le village " Cha das caldeiras ", des gens cultivent la cendre. Ils plantent dans des trous de 50 cm des vignes par exemple. Pour monter nous avons pris un taxi brousse, 350 escudos, (au lieu de 4000 pour les touristes voulant être seul )et 3 h sur le plateau du vieux pick-up bâché, pour faire les 70kms. Dur Dur ! Mais quelle ambiance ! Des jeunes gens blaguent avec les filles ; les anciens font respecter l’ordre avec humour, et tout le monde rigole. Une dame monte avec une grande bassine pleine de délicieuses petites galettes. Elle les vend 5 Esc. Tout le monde y a droit. Une foule d’objets est transportée : des pneus, du foin, les sacs de maïs ; chacun s’entraide : c’est cool. Lorsque nous arrivons il est tard. Je me dépêche de grimper ; c’est toujours aussi dur de monter dans la cendre surtout qu’elle est très fine. L’arrivé de la nuit et l’horaire du taxi m’empêchent d’aller jusqu’en haut, je m’arrête à 50 m, épuisé et dégoûté. Je me dis que parfois il faut savoir renoncer (il y a quelque temps je ne savais pas !). Mais je reviendrai un jour pour le faire ce sommet.

Brava.

A Porto do Faja, nous mouillons, comme au milieu d’un cratère. L’île est montagneuse, c’est superbe. Sur la côte, où les rouleaux rendent difficile le débarquement, il y a un petit village de pêcheur. Un pick-up nous emmène à Nova Cintra une ville dans le centre de l’île. Il y a un petit marché et plusieurs épiceries, comme des comptoirs. Pas moyen de trouver des tomates, en demandant à l’épicier celui-ci téléphone et 15 minutes plus tard nous en avons 2 kg. Toutes les routes sont pavées. Les maisons en pierres taillées sont belles, on se croirait dans les alpes. Après plusieurs allez retour à une source pour faire le plein d’eau, un peu de bricolage, une lessive au lavoir avec les femmes et quelques approvisionnements, nous partons le 20 décembre. Cap au 270.

La traversée de l’atlantique.

Pour le coup les Alizés sont bien établis. Ils soufflent de 20 à 30 Nœuds Dès les premiers jours nous faisons plus de 150 milles /jour. Aujourd’hui c’est Noël, je pense à ma famille bien sûr, qui le fête comme d’habitude. Mais je songe aussi à tous ces enfants rencontrés au Cap Vert ou ailleurs qui devront au mieux se contenter d’une orange comme cadeau… pour le réveillon nous avons ouvert une boite de haricots verts. Un peu de légumes cela change des pâtes ou du riz. Dans l’après midi j’avais fait une tarte au citron. On s’ouvre une petite bouteille de vin rouge, et c’est bizance

Tout au long de la traversée nous voyons des poissons volants, incroyable ! Ils prennent le Steve pour un prédateur. Pour fuir, ils volent sur plusieurs centaines de mètres. Une nuit il y en a même un qui m’ai rentré dedans C’est un bon exemple d’adaptation de la nature il faudrait lire la théorie de Darwin. Rémy, les vagues de l’atlantique sont parfois grandes. La météo sur RFI annonce au nord des vagues allant jusqu'à 15 m. pour notre zone il y a juste 4 à 5 m de houle. Une nuit sous pilote automatique, une vague a déferlé sur l’arrière du bateau. Les 30 cm d’eau dans le cockpit se sont évacuée en 5 longues minutes. Dans ces conditions il faut barrer et pour rassurer ma maman, même si en barrant on peut éviter les déferlantes, je m’accroche au bateau avec un harnais. Mais la mer se calme, nous n’aurons juste à l’arrivée qu’un grain avec une rafale à 45 nœuds. L’approche des cotes de Guyane est assez stressant. Nous la faisons de nuit et même très au large il n’y a pas de fonds. On touche un peu la vase pour rentrer dans le chenal, pourtant bien balisé, d’accès au fleuve.

Complément de réponse aux questions des élèves de CM1.

Amandine ; depuis que je navigue, j’ai pêcher une quinzaine de poissons, mais uniquement pour me nourrir. Lorsqu’ils sont trop gros, je les sale et les fais sécher. Au bout d’une semaine c’est aussi bon que du jambon de Bayonne et il n’y a pas de gâchis. En navigation, je ne dors de jour comme de nuit que par petites tranches 1h maximum, au mouillage le rythme est normal, je dors la nuit. Le compas est indispensable pour se diriger précisément sur la mer. Les dauphins sont bleu et blanc, à Madagascar j’en ai vu des tout blanc. Je mange autant que possible de tout et de façon équilibré. Je pense que c’est très important pour la santé. Enfin dans la journée, j’ai toujours un truc à faire. En navigation je lis beaucoup, au mouillage, je bricole visite et rencontre des gens

Marine, avec une bouteille de plongée, j’ai pu voir plein de poissons sous l’eau : des perroquets, des poissons rouges, des mérous, des tortues, des petits noir et blanc, et même un thon qui passait dans le bleu.

Morgane, tu vas te régaler, dans la gazette N4 je parlerai des plantes d’ici. Il y a des plantes sensitives, carnivore, des fleurs magnifiques…

Jennifer et Rémy, les dauphins qui me suivent ne sont pas toujours les mêmes. Ils vivent leur vie et se portent très bien, lorsqu’ils ne rencontrent pas de sacs plastiques ou autre détritus. En effet ils peuvent tout comme les tortues s’étouffer en croyant manger un poulpe. A chaque fois que j’en vois, je suis vert, et les ramasse.

Binta, en mer je mange surtout du poisson avec des pâtes et du ris.

Philippe et Antony, je crois que les pirates existent toujours, et malheureusement pas seulement en mer. J’ai entendu dire que bateaux se sont font pirater au large du Venezuela ou de la Colombie, mais j’espère bien ne jamais les rencontrer. Les pieuvres ou poulpes sont des animaux fabuleux, il y en avait un qui habitait sous mon bateau à l’Olivette il était très sympa et je lui donnais à manger.

Edwine, 1, je n'ai pas tout le matériel ; un proverbe chinois dit : " Fait avec ce que tu as tu n’auras pas besoin de ce que tu n’as pas " 2, Je vais bien, merci ; 3 ; J’ai 30 ans ; 4, le voyage est super bien ; 5, J’ai nagé avec les requins et contrairement à leur réputation ils ne sont pas méchants.

Christopher, je ne pêche pas tous les jours. J’ai comme matériel de plongée : des palmes, masques, tuba, combinaison, plomb, profondimètre et 2 bouteilles.

Sarah et Philippe, ces chaussures sont symboliques, c’est un défit que je me suis lancer, comme ça, sans raisons logiques… Je pense que dans la vie il ne faut pas toujours être logique et raisonnable.

Pour finir, Elodie, il fait ici très humide et une température de 30 °C. Durant la traversée la température oscille entre 20 et 30 °C

Planning de la navigation du Steve :

Gomera

A : Dimanche 29 novembre 16h

D : Lundi 30 novembre 15h30

Palméria sur l’île de Sal

A :Lundi 7 décembre 16h

D :Vendredi 11 décembre 21h

Tarrafal sur l’île de Santiago

A :Samedi 12 décembre 14h

D :Mardi 15 décembre 8h44

Ile Fogo

A :Mardi 15 décembre 19h

D :Jeudi 17 décembre 8h

Fajé sur l’île de Brava

A :Jeudi 17 décembre 10h30

D :Dimanche 20 décembre 17h30 T.U.

Cayenne

A : vendredi 1 janvier 3h15

D :