La Gazette du STEVE N°13
Par Laurent LHERMITTE. Avril, Juillet 2000
Email: lhermittelaurent@yahoo.fr
Début juillet, me voilà de retour chez
moi ! Dans mon petit bateau endommagé. Cela fait drôle au bout d’un
mois passé en France, j’avais oublié tout le travail qui m’attendait. j’ai
commencé par un grand ménage à l’intérieur, pour m’y sentir mieux…
" - Mais quoi ? (J’imagine la tête des copains), il est
rentré un mois et n’est même pas venu nous
voir ! ! ! " Allez, ne soyez pas trop fâchés les
gars, le temps étiré entre Chrystelle, ma famille, et les marchands de bateau,
a passé trop vite ! Si cela peut vous consoler, je m’engage à faire une
grande fête dès mon retour en France. Je vous laisse pour le moment apprécier
les aventures de ces derniers mois, séquence frisson :
Un mot de ma tante Mireille :
Cette fois ce n’est pas Laurent qui est venu nous chercher à l’aéroport, mais nous qui l’avons attendu… d’abord à Honolulu mais ne voyant personne arriver nous avons été au devant de lui sur l’île de Mauï. 3 jours plus tard nous l’avons retrouvé à l’aéroport de Kalalui et non au port comme nous l’espérions. Le côté positif du démâtage est que nous avons visité l’intérieur des îles Mauï et Hawaii. Nous avons découvert le monde passionnant des volcans autrement que dans les livres. Nous n’allons pas vous raconter tout ce que nous avons fait et vu car ce serait trop long surtout qu’il ne reste plus que 3 jours de vacances, mais voici quelques éléments :
Dans Mauï : 7 heures de marche dans les cratères du
Kaléakala (3000m ) sur la lave de différentes couleurs ; noire, rouge,
ocre, grise.
Un circuit en voiture autour de l’île ; sur la côte Est nous avons eu
une portion de route assez difficile pour le conducteur mais très agréable
pour ses passagères puisque sur 66 km il y a eu 617 virages avec des paysages
verdoyants magnifiques. Le soleil avait laissé la place à la pluie et la
grisaille, l’eau coulait en cascades au milieu d’une végétation
luxuriante.
Sur Hawaii, la grande île, nous avons vécu tous les trois quelque chose d’exceptionnel
puisque notre aventurier l’a découvert en même temps que nous. Après 2
heures de marche sur la lave nous sommes arrivés à la tombée de la nuit sur
une coulée incandescente. Nous avons pu l’approcher à moins d’un mètre
pour y déposer une feuille de papier qui aussitôt s’enflamma.
Personnellement la semelle de mes chaussures étant trop fine j’ai dû reculer
vite fait pour ne pas avoir la plante des pieds brûlée. Nous avons vu aussi la
lave coulée en cascades dans la mer. Tout un bloc incandescent s’est
effondré sous la violence d’une vague. Ce fut vraiment grandiose.
Retour sur le Steve ; ce n’est qu’en voyant le bateau que nous avons
pris vraiment conscience de la gravité du démâtage, car il a beaucoup
souffert. Pour poser un pied à bord nous avons dû enjamber les restants du
gréement : câbles, cadènes, bouts de mat, voiles enrouleur et nous n’avions
même plus de balcon pour nous accrocher. Nous avons alors réalisé combien il
a fallu de courage, de ténacité, de volonté et de force à notre skipper pour
arriver jusqu'à nous ( par exemple, à deux nous avons eu du mal à simplement
soulever une moitié de mât posé sur le côté du bateau alors que lui seul
est allé repêcher les 2 morceaux par plusieurs mètres de fond et les a
hissés sur le bateau qui était secoué par la mer !)
En résumé notre séjour à Hawaii nous a permis de vivre une très belle
aventure, de rencontrer des gens chaleureux et exceptionnels que l’on ne peut
côtoyer qu’en voyageant, c’est pourquoi nous espérons avoir encore, au
moins une fois, l’occasion d’écrire un article dans une autre gazette
puisque c’est l’obligation de tout invité à bord.
Un démâtage presque réussi.
Le 12 avril vers 14 heures, je suis allongé tranquille sur la couchette du
carré, plongé dans l’épopée de Térri, le héros du superbe livre ‘Les
Immémoriaux’. Le vent a légèrement forci et souffle entre 30 et 35 nœuds,
j’ai donc pris 3 ris dans les voiles pour être tranquille. Le gros pilote
automatique garde le cap. Tout à coup j’entends un gros bruit comme si l’écoute
de bôme avait cassé, je sors précipitamment, en espérant que ce n’est que
ça. Hélas non ! Le pont est sinistrement nu. Un bout de tube sort de l’eau
sur le côté bâbord du bateau. Pas possible, je rêve ou quoi ! J’ai du
mal à réaliser… L’articulation entre le mât et la bôme est juste au
niveau des filières, sauve qui peut, je dois récupérer au moins la bôme. Le
mât bloque la vis de l’articulation, impossible de le faire pivoter. Je
risque de me faire écraser les doigts. La houle se charge de remuer tout ça et
la vis se dégage. Les winchs du pied de mât labourent le flan du bateau. Le
bois apparaît, faut faire vite. Je saute à l’eau armé d’un couteau pour
désolidariser la voile du mât. De retour sur le pont, je hisse l’ensemble
bôme et grand-voile. C’est déjà ça ! Maintenant je peux couper les
haubans, avant que les winchs ne perforent le bordé. Là, j’ai fait une
erreur, j’ai coupé les 2 bas haubans de tribord qui étaient déjà
désolidarisés du mât, puisque c’est la pièce de liaison qui a lâché. Ils
reposent donc par 5000 m de fond…Seconde erreur, si je n’avais pas eu les
tubes qui protègent les ridoirs, j’aurai pu faire sauter la goupille et ainsi
récupérer mes haubans entiers…une fois les 6 haubans coupés, le mât
coule... et soudain, je ne sais plus quoi faire, court moment de panique où on
ne réfléchit plus, il y a tellement de choses en vrac… j’essaie de hisser
le génois qui se déroule à moitié et fait une ancre flottante… trop lourd,
j’abandonne. Bon, le mât est en 2 morceaux. Il pend retenu par le pataras à
une quinzaine de mètres sous le bateau. Je sors la bouteille de plongée et
descends avec un bout pour l’accrocher. Le bout est trop court, je ne peux pas
aller jusqu’au pied de mât, j’accroche un truc qui traîne dans l’eau, je
crois que c’est la balancine du tangon. De retour à bord, je sors l’amarre
de 100 m de la cale. Je redescends tout au fond accrocher le pied de mât. Il
était temps car les deux bouts de mât se séparaient ne tenant plus que par l’imbroglio
de fils électriques et de drisses… à cause des mouvements du bateau le mât
monte puis redescend très brutalement de 1 ou 2 mètres. Je fais des nœuds
tant bien que mal du bout des doigts, car avec la bouteille sur le dos, si l’un
des morceaux de métal me frappe ça ferait très mal ! La priorité
omniprésente à mon esprit est de ne pas me blesser. En levant la tête, je
vois roder à la surface un superbe requin. Une fois à bord, je passe l’autre
extrémité de l’amarre par l’avant du bateau pour hisser le mât au
guindeau. Je replonge, avec une petite pensée pour mon gros spectateur :
si t’as envie de te battre on est deux, je t’arrache les ouïes! J’accroche
cette fois la tête de mât. Pendant ma remontée (jamais plus vite que les
petites bulles) je suis fasciné par la faune, une myriade de poissons argentés
reste béate par cette intrusion. Le blanc du génois flash dans le bleu infini
du Pacifique. Bref, je me retrouve avec les bouts de mât sous la coque. Les
fils ont cédé, je hisse le pied de mât, WaouuU! Il est à 2 m sous le bateau,
ce qui me semblait impossible devient envisageable! Toujours à cause de la
houle, je ne le hisse pas plus. Il pourrait heurter la coque, d’ailleurs le
safran a eu chaud. Je replonge pour mettre un bout à l’autre extrémité et
le passe dans le chaumard au milieu du bateau, je le hisse au winch de tribord.
Voilà mon tube d’aluminium qui réapparaît sur le côté du bateau. Il est
plein d’eau, mais en tirant avec le winch bâbord il se met à l’horizontal,
comme les 2 points de traction (le winch bâbord et le chaumard du milieu) sont
suffisamment espacés, le demi mât monte au-dessus de la flottaison. Il est
juste un peu remué par une vague plus grosse que les autres. En forçant un
peu, j’arrive à faire passer une partie sur le passavant à l’intérieur d’un
chandelier pas trop tordu. J’accroche solidement le reste à l’extérieur du
balcon arrière. Super ! Voilà au moins 2 winchs de sauvés ! Je me
prends à rêver de la partie haute du mât posée à l’avant du bateau…que
c’est beau de réaliser ses rêves. En utilisant la même technique, entre le
chaumard du milieu et celui du guindeau à l’avant, je hisse le morceau sur le
flan du bateau au-dessus de l’eau, vite ! Je passe des bouts pour le
maintenir. Je suis obligé de couper un chandelier et le balcon avant afin de
pouvoir faire levier et ainsi faire pivoter le mât sur le passavant. Il ne
reste plus qu’à récupérer les enrouleurs et ce qui reste du génois lourd,
c’est à dire des loques de tissu …le génois léger étant
complètement enroulé n’a pas trop souffert de son séjour dans l’eau, il n’y
a que quelques trous là où la gaine s’est cassée. Il est 21h, le soleil s’est
couché comme d’habitude, la nuit arrive, je suis exténué ! Je mets le
moteur en route, me douche et me couche. Surtout ne pas penser qu’il me reste
730 milles pour rejoindre Hawaii…
Dès l’aube du 13 avril, je me prépare à faire un mât de fortune. Je
construis à l’avant du bateau une chaise avec 2 bouts de gaine d’enrouleur,
je me dis que pour hisser haut la bôme il faut déjà la monter un peu…(c’est
pas uniquement vrai pour une bôme ! ) Donc, je haubane solidement mon
petit échafaudage et pose la bôme dessus. J’ai pris soin de passer tous les
bouts nécessaires pour la hisser et la maintenir ainsi que pour les futures
voiles. Je fixe le pied de la bôme à la place du mât et avec les 2 winchs de
l’écoute de grand-voile je l’érige de façon quasi-statique, le bateau
roule énormément, il n’est pas question de la faire tomber à l’eau. Je
tire d’un côté et la retiens de l’autre avec les écoutes de génois
renvoyées dans le cockpit grâce à deux poulies. Lorsque la bôme est en haut
le jour décline, je pousse un cri de joie. Je ne sens plus mes doigts, mes
mains sont gonflées, à force de faire et défaire des nœuds sur des bouts
mouillés l’extrémité des ongles se décolle. L’eau de mer me brûle à
chaque fois un peu plus.
La nuit, je sors la tête par la descente pour voir si un bateau de pêche passe
aux environs... le temps du tour d’horizon, un embrun me sale le visage et
dégouline dans la cuisine. Je me recouche, l’eau recouvre le pont et comme
les aérations ne ferment plus, il pleut de l’eau salée sur mon lit, quelle
galère !
Le lendemain, je couds des voiles de fortune. Je fais plusieurs essais, à l’avant,
je fixe sur la chaise un morceau de tube d’enrouleur avec un bout de génois…
pas concluant. Je fixe à la bôme des morceaux de génois le bateau n’avance
toujours pas. Finalement, en utilisant le mât de la planche à voile comme
bôme et un vieux génois récupéré en Martinique, en prenant le temps de bien
faire les choses, le lock oscille entre 0 et 1,5 nœuds.
Le 15 avril, après avoir plongé pour dégager l’hélice ou un bout s’était
pris, je hisse un second bout de génois, c’est un succès 0.2 nœuds de plus,
la moyenne est de 0.9. En fin de journée je suis content j’ai bien
travaillé, j’ai épongé les fonds, rangé la cuisine, soudé une antenne VHF
de fortune, réparé la cuisinière (à force de pivoter les axes en inox de 6mm
ont cassé, j’ai mis des vis à la place) tant bien que mal, on avance, et
finalement après avoir bien jaugé ce qui reste de gasoil, je finis en 2 jours
de moteur par rejoindre le port de Honolulu. J’arrive au yacht club le 24
avril vers 16h30, les gens qui me reçoivent m’offre une bière et je suis le
plus heureux des hommes !
L’apostrophe du Lorenzo.
A la demande de lecteurs assidus, je reparlerai de mes lectures en étant plus critique. Je parlerai du début des livres où je n’accroche pas, sinon on peut effectivement penser que tout est bien… je recommande le livre de Michèle Demaj " Alaska dream " pour rêver un peu et voir qu’il n’y a pas d’âge pour réaliser ces rêves… " Les Immémoriaux " de Victor Ségalen m’a emballé, c’est un récit ethnologique, un roman historique passionnant qui m’a plongé dans l’ancienne civilisation polynésienne.
Un peu de Culture...
Voici un poème de Henri Hiro spécialement dédié à Juliette, qui à 11 ans rêve déjà de voyages :
L’Offre Henri Hiro Mon enfant, pars, tu peux partir, il faut que tu
voyages. Me voici, je suis avec toi pendant ton périple pour t’oindre Mon enfant, pars, tu peux partir, il faut que tu
voyages.
|
Mon enfant, pars, tu peux partir, il faut que tu
voyages.
Et que tout soit en parfaite harmonie. Mon enfant, tu peux voyager (1) Le Marae, lire Maraé, est le lieu des cultes civils et religieux. |
Un peu de Vécu...
(extrait du livre de bord)
Tahiti Hawaii (27 jours de mer)
Je quitte le port de Papeete le 29 mars à 15h, après avoir fait les habituels aller-retour pour l’avitaillement et jeté un coup d’œil dans le mât…
Le 4 avril, position approximative 150° w et 5°sud.
J’espère être sorti du poteau noir. La mer est très calme un petit souffle
de 10 nœuds me pousse paisiblement à 4 ou 5 Nds. Il fait super beau, tout va
bien, c’est même le grand panard ! Les hublots sont ouverts, un filet d’air
parcourt et rafraîchit tout l’intérieur. Le bateau glisse et ne bouge
presque plus. Je m’arrêterais bien aux îles Kiribati mais ma tante Mireille
m’attend à Hawaii, ça sera pour un prochain tour…
J’écoute Brel, il chante les Marquises, je nous revois après 3000 milles
entrant dans la baie des Vierges…sacré bon moment ! Je viens de boire
une de mes boissons préférées, un milk-shake à l’avocat. (réalisé à la
fourchette, je pense investir dans un mixer électrique un jour) Hier, a été
une belle journée, quelques grains m’ont donné du travail, mais j’ai
réussi à réparer le moteur du petit pilote Autohelm. Il fallait juste changer
les charbons, heureusement j’en avais achetés à Papeete. En les retaillant
avec un j’en ai fait deux. Avant hier, j’ai pris un thon blanc, je me suis
régalé ! J’ai mis les filets au congélateur dans le fond duquel j’ai
aussi de la viande, steaks, côtes d’agneau … cette traversée est
luxueuse ! J’ai même un petit paquet de persil, celui que j’ai semé n’est
pas encore levé. Ah ! Le vent tombe je n’avance plus qu’à 2,7 Nds…
il est midi, je n’ai fait que 80 milles depuis hier 15h, je prends du
retard ! Les trois premiers jours avec 20 Nds en moyenne de vent, une mer
agitée, je n’avais pas le moral. J’ai failli faire demi-tour sur Rangiroa,
par vent de travers j’avais un peu mal au cœur… Sous les grains le vent
montait à 40 Nds d’un coup, le délire ! Je ne cuisinais pas beaucoup,
juste le minimum, mais le bateau avançait vite 125 à 135 milles/ jour. Si le
vent refuse un peu je passerai par l’île Christmas. Je suis monté au nord
pour arriver à Hawaii même si le vent tourne au N NE. Je vous laisse pour
aujourd’hui, je vais prendre une douche, me faire à manger, une petite sieste
et finir le livre de Monod sur le désert… 14h, Et non, je n’ai pas tout à
fait quitté la zone du poteau noir, il n’y a plus de vent ! C’est la
zone des calmes équatoriaux… j’espère qu’elle n’est pas très large,
je suis au moteur… et c’est casse-pieds !
Le 8 avril, 8h
Je finis mon petit déjeuner, le Steve ne glisse plus, il valse gracieusement au
son de la musique de Strauss, de crête en crête sur la longue houle venue du
NE.. Il fait beau c’est super ! Hormis un sale cauchemar, toute la nuit a
été aussi grandiose ; l’empyrée était fourni de millions d’étoiles,
une petite brise poussait le bateau à 4 Nds et tout en franchissant l’équateur,
j’ai dû enfiler un polo pour dormir. Ce matin, j’ai sorti ma douillette
couette au grand air pour qu’elle prenne le soleil. Je me régale avec le
livre de Victor Ségalen " les Immémoriaux ". A peine
sortie de la Polynésie, j’ai déjà envie d’y retourner pour trouver une
petite île perdue où les gens auraient un peu gardé leurs douces habitudes. J’ai
regardé l’autre jour, l’atlas : le Canada, la Colombie Britannique et
les USA, cela donne aussi très envie de les visiter. Géologiquement il doit y
avoir plein de trucs à comprendre, T. Monod dans son livre sur le désert m’a
initié à la géologie. J’ai envie d’en savoir plus…
Le
18avril,
Hier, j’ai enfin réussi à faire des voiles qui me propulsent à une vitesse
vertigineuse ; entre 1 et 2 nœuds et encore pas dans la bonne direction…
Aujourd’hui je me repose, lecture, écriture et écoute de C.D. j’en ai
absolument marre. J’ai très mal aux mains, des petites coupures partout, et
surtout une poussée de boutons purulents sur la figure et le torse. Je pense
que cela est dû au sel, à force de sortir pour un rien. Maintenant, je me
rince systématiquement et désinfecte à l’alcool, cela devrait se passer. Je
pense mettre une semaine pour arriver… j’espère avoir assez de gasoil pour
deux jours de moteur, donc je me rapproche le plus possible à la voile et je
finis au moteur. Si jamais je tombe sous le vent des îles sans gasoil il ne me
restera plus qu’à tester la balise…Mes ongles se décollent. Il en sort un
liquide qui devrait les recoller…Taper sur le clavier me fait un peu mal,
alors je retourne au plumard avec mon bouquin !
Le 22 avril, 20h.
Je n’ai pas le moral aujourd’hui, j’ai eu du mal à m’activer ce matin.
Quand je pense que depuis 4 jours je devrais gambader dans les îles…je suis
fou ! Là, je me fais remuer comme ce n’est pas permis. Le vent d’une
quinzaine de nœuds ne me fait pas avancer ! Par chance, le courant me
pousse au nord ouest, sinon je resterais des mois bloqué ici ! Pour
changer un peu de la lecture, je joue aux échecs (merci Georges pour le
logiciel ! ). Mais là, j’en ai ma claque de me faire remuer par les
vagues… je pense à d’Abovile sur sa barque, faut être fou !
Heureusement je m’en sors bien, faire 3000 milles ainsi vers l’ouest pour
rejoindre les îles Marshall ne m’inspire pas du tout. Allez, je vais manger,
cela me remonte toujours le moral. Je me suis fais d’excellents cakes avec de
l’extrait d’amande, cela donne un bon goût. Tiens ! Hier ou avant
hier, j’ai caréné le bateau pour gagner quelques dixièmes de nœuds, j’étais
littéralement entouré par un banc de daurades coryphènes, c’en était
presque flippant, en passant près de moi elles ouvraient leurs petites gueules…Du
coup en repartant j’ai mis ma ligne en une seconde, le moulinet est parti, je
me suis régalé ! Toutes les réserves de trucs à peu près bon y
passent, les Muslis, Corns flack, la crème de marron avec les petits packs de
crème fraîche, le turron d’Espagne etc…faut bien ça pour me remonter le
moral ! Un soir, j’ai aussi essayé un ti’punch, ça m’a rappelé la
Guyane avec mon ami Georges ! Mais je n’en abuse pas. De toute façon, ce
n’est pas si grave, et puis j’ai les fesses propres et de quoi manger, c’est
déjà la base du bonheur ! La lecture au bout de quelques heures cela
abrutit carrément, je n’arrive pas à finir l’histoire des thanatronotes de
Weber… C’est fou comme j’ai envie de parler avec ma
bouche ! Enfin, j’espère surtout pouvoir réparer à Honolulu sans
y laisser trop de plumes. Bon allez, à la bouffe, il me reste encore 150
milles.
Le 23 avril, 11h
Déjà ! Je suis debout et actif depuis 6h, le petit vent était tout à
fait tombé, j’ai remis le moteur, vers 9h le petit réservoir était vide, j’ai
refait le plein en jaugeant ce qu’il reste dans la quille, je peux
pratiquement finir au moteur. Heureusement car le vent ne se montre pas, l’île
d’Hawaii doit perturber l’alizé. Je suis pourtant à une centaine de milles
sous le vent. Il fait super beau, la mer est calme, ouf ! Le moteur tourne
à 1500 tours, si tout va bien j’arrive demain matin ! Je plonge
régulièrement le nez dans le moteur pour vérifier que rien ne lâche, huile,
arrivée d’eau, (j’ai pris soin de la déboucher, il y a sous la coque plein
de pouces-pieds, espèce de moules qui se collent pendant les grandes
traversées) la température.. Tout va bien, les jours se suivent et ne se
ressemblent pas ! J’écoute du Zouk, j’ai enfin pu ouvrir les capots, c’est
le bonheur ! Ce matin j’ai fini le dernier pamplemousse de Moorea. Ce
fruit se conserve bien, il était super bon. Je me demande ce que Mireille va
avoir décidé ?
Le 24, 9h30, ça y est, je distingue l’île, dans un air un peu brumeux, avec un petit cortège de nuages cotonneux au-dessus… il fait bien moins chaud que sous l’équateur. C’est une sacrée belle journée printanière ! Je capte les FM mais ne comprends pas tout. Encore 22 milles. Le plaisir d’arriver quelque part, après une traversée, est indescriptible ! C’est encore plus fort lorsqu’on a eu très peur de ne pas y arriver ! Je vais faire un peu de ménage. Le moteur tourne toujours comme une horloge, c’est cool
Le 25, 7h, Honolulu me semble une ville énorme, je me croirai à New York ! Ce matin, je ne sais pas par où commencer ! Mais je vais m’y mettre. Hier, l’immigration m’a taxé de 170 dollars, je suis vert ! J’attends aujourd’hui la douane et l’agriculture… j’étais très très content hier de pouvoir téléphoner, l’un des vieux membres du club m’a emmené chez une amie. Elle a un abonnement téléphonique chez une société privée cela coûte environ 60 centimes par minute, bien la technologie ! Dommage qu’il faille être un peu initié pour en profiter.
Devinette L pour les copains ou collègues un peu matheux :
Exprimer en fonction des longitudes et latitudes la distance sur la surface de la mer entre 2 points. Application : Honolulu, 158°W 21°N Vancouver 123°W, 49°N. (on ne tiendra pas compte des marées et des vagues…)
Remerciements :
A l’heure actuelle le Steve a retrouvé son mât,
entier et plus solide qu’avant ! Je remercie très chaleureusement
toutes les personnes qui m’ont aidé ; mon cousin Didier, John et Nancy
Murphy, Achim et Erika et tous les gens de bateau dont la solidarité n’est
pas utopique. Sans oublier ma famille et ma chère institutrice, Marie-France,
qui par ses Emails plein d’humour m’a bien souvent remonté le moral…
Je remercie également les sociétés : Elstrom, Gremco, West Marine,
Hawaii Nut&bolt, pour m’avoir vendu du matériel à prix raisonnable…
Sans oublier le guichetier d'Air Canada qui m'a laissé embarquer avec 80Kg de
matériel...
Aperçu de la route suivie: | Honolulu vu depuis le sommet de Diamond Head |